Chapitre 13 : Voilà, c'est fini

a vie était devenue tranquille dans le château. Un peu trop même à mon goût et je finissais par regretter cette excitation que l’on ressent au coeur du danger, cette peur qui me permettait de me surpasser et de dépasser mes limites… Ronronner à Poudlard ? Très peu pour moi ! J’avais besoin d’aventure, de résoudre des énigmes toutes plus embrouillées les unes que les autres, besoin de bouger quoi ! Mais ce n’était que le calme qui précède la tempête et question action j’allais bientôt être servie !

Un matin, un étrange équipage atterrit dans le parc. J’entendis tinter des clochettes et je n’eus que le temps de me précipiter pour voir se poser un traîneau tiré par deux animaux plutôt étranges : on aurait dit des cerfs, mais leurs bois étaient vraiment très bizarre… Hagrid qui s’était déplacé aussi pour voir de quoi il s’agissait, s’exclama d’un ton enthousiaste :

-« Des caribous ! Je n’en avais jamais vu ! Je croyais que cela n’existait que dans les contes de fées ! » Une voix qui me sembla familière lui répondit :

-« Ma no, senor Hagrid ! Ceux la ils viennent dou Québec… C’est le padre Josef* qui m’a prêté sa chariotte por lé voyage. »

 Peio ? Il était donc de retour ? Vous pensez bien que je n’étais pas particulièrement ravie de le revoir celui là ! Après ce qu’il m’avait fait… Je lui devais les pires heures de ma courte vie de corbelle et je regrettais fortement que son attelage n’ait pas fait connaissance avec le saule cogneur. Je me mis un peu à l’écart sur une haute branche pour suivre discrètement leur conversation sans me faire remarquer. Le détective parvint, tant bien que mal à s’extirper de son siège puis alla saluer le demi-géant qui le regardait les yeux écarquillés.

-« Mais, dîtes-donc, Poncho, vous n’étiez pas parti pour le Canada ? Ils n’ont pas voulu vous garder non plus là bas ? Je croyais que vous deviez y rester un certain temps… »

-« Mais c’est qué la senorita Mimi, elle était vénou avec moi et la Mimi elle est oune petite peu fatigante à la longué… Et poui y’ai oune missionne !!! Yé dois… ma no, yé né dois rien dire avant qué y’ai vou le senor Dumbledore, qué c’est le plou grande des mayiciens au mondé !!! »

Et bien qu’Hagrid tenta à plusieurs reprises de lui tirer les vers du nez, il ferma la bouche et ne dit plus un mot. Poncho y Gratouille ne put voir immédiatement le directeur, qui était parti pour quelque mission hautement importante, et comme personne ne voulu se charger de le faire patienter, il mit son nez partout « por voir si il n’y avait pas oune problémo qui trainait et qué il pourrait résolver por rendré service. »

Il fit un petite visite aux cuisines, où il trébucha rapidement sur une caisse de Bièraubeurre qui, il aurait pu le jurer, ne se trouvait pas là dans les secondes précédentes. Il s’étala de tout son long sur le sol et laissa échapper le porte-documents qu’il emportait partout avec lui. Il s’en fallu de peu que celui-ci ne tombât dans la marmite de soupe au pois qui mijotait sur le feu. Cette mésaventure le chassa des lieux prestement.

Il va de soi que mon Maître lui ferma la porte à la figure , lorsque après s’être perdu lamentablement dans les cachots plusieurs heures durant, il vint y frapper. Il faut dire que mon Severus préparait à ce moment là une potion très compliquée, qui lui permettrait d’éliminer à jamais le problème des-cheveux-qui-regraissent-trop-vite-après-le-shampooing.

Alors que Poncho errait comme une âme en peine dans les couloirs des étages supérieurs, il fit la rencontre inopinée de Peeves, qui le bombarda de Bombabouse, puis sous prétexte de l’aider à se débarbouiller, l’entraîna dans une salle de bain, d’où il ressortit trempé et très déprimé après une conversation avec Mimi Geignarde. 

Il ne lui restait plus que le parc pour occuper son attente. Il n’eut malheureusement pas l’idée de s’approcher du saule cogneur, ce que je regrettai amèrement. Il visita le potager d’Hagrid, qui de loin le confondit avec un prédateur et lui envoya un jet d’insecticide en plein visage. Après quelques minutes de suffocation, il se dirigeât vers le lac où le calamar géant vint lui souhaiter la bienvenue à sa façon, c’est à dire d’un grand jet d’encre…

La mission dont était chargée notre détective devait être bien importante pour qu’après toutes ces péripéties, il soit encore là à l’heure du dîner lorsque Dumbledore revint. Ce dernier eut l’air un peu agacé de voir qui l’attendait et il cacha promptement sous sa cape un sac en papier estampillé au nom de Honeydukes, qu’il tenait à la main.

-« Senor Poncho ? Mais que faîtes-vous là mon ami ? Il n’aurait pas été plus simple de m’envoyer un hibou ? Bon puisque vous avez fait le trajet jusqu’ici, voyons ce que vous avez à nous dire… »

-« Ma, c’est qué c’est con-fi-den-tiel ! » répondit Peio en détachant bien toutes les syllabes pour se donner un air important. « Yé né peux pas parler devant tout lé mondé ! »

-« Et bien, nous verrons cela après le dîner alors ! » répliqua le directeur d’un ton badin. « Pour l’instant une urgence m’appelle… »

En effet après le repas Dumbledore et Peio s’isolèrent dans un coin de la Grande Salle. Le directeur avait fait tournoyer sa baguette à deux ou trois reprises et des cloisons transparentes étaient apparues tout autours d’eux. On aurait dit qu’ils étaient enfermés dans une sorte d’aquarium géant, où on pouvait les admirer tout à loisirs, mais sans entendre un seul mot de leur conversation. Je voyais Peio gesticuler comme une marionnette muette et cela lui donnait un air encore plus ridicule. J’essayais d’envoyer Zébulon**, un petit mouche de mes amis, les espionner, mais il ne trouva aucune ouverture si petite soit elle pour pénétrer dans leur cage de verre. Je dus renoncer et partis me coucher dans l’ignorance.

Le lendemain matin Poncho était parti, au grand soulagement de la plupart d’entre nous, mais un autre personnage fit son apparition. Un nouvel élève qui arrivait en cours d’année est toujours un sujet de curiosité et je reportais toute mon attention sur lui. Dumbledore le présenta lors du petit-déjeuner comme sortant d’une longue convalescence à Sainte-Mangouste. Cela ne fit que décupler l’intérêt que je lui portais.

Il s’appelait Nikopol (j’avais d’abord cru entendre « Nigaud Paul ») et était plutôt insignifiant. De taille moyenne, sans grande fantaisie dans son allure, ni sa conversation, son visage avait un je-ne-sais-quoi qui me mettait mal à l’aise. Personne ne savait pourquoi il avait été  soigné, mais certains chuchotaient qu’il devait s’agir d’un problème mental et qu’il n’avait pas l’air d’avoir inventé la potion de débrouillardise. En tout cas, il intégra directement la quatrième année, et malgré son air benêt se retrouva rapidement parmi les meilleurs élèves de la maison Serpentard où l’avait envoyé le choixpeau le jour de son arrivée. Drago Malefoy le méprisait car il le sentait peut-être meilleur élève que lui et capable de lui ravir ses trophées.

Quoiqu’il en soit, ce jeune garçon m’intriguait. Il se tenait souvent à l’écart des autres et, dès que les cours étaient terminés, filait vers la bibliothèque où il disparaissait pendant des heures dans la Réserve remplie de livres de Magie Noire. J’interrogeais ma copine Denise sur ce qu’il y pouvait faire, mais bien souvent elle même n’arrivait pas à le localiser. Elle me dit d’un air mystérieux :

-« Il se passe quelques fois des choses étranges dans cette partie de la bibliothèque… J’ai lu dans un ancien grimoire une rumeur à propos d’une porte qui s’ouvrirait sur un autre monde. Ce serait Salazard Serpentard qui l’aurait fait percer en grand secret à l’époque où il faisait construire la Chambre des Secrets.

« Dès le premier jour il est allé droit vers la Réserve d’un pas décidé. Je lui ai fait remarquer que seuls quelques élèves y avaient accès, sur autorisation express d’un professeur. Il a aussitôt sortit un parchemin signé de Dumbledore et me l’a tendu d’un air méprisant. Je l’ai suivi discrètement, sous prétexte de ranger une pile d’ouvrages qui n’avaient d’ailleurs rien à y faire, mais il a disparu derrière un rayonnage et je ne l’ai vu réapparaître, l’air satisfait, que tard dans la soirée. Presque à la fermeture.

« D’autre fois, il reste à travailler sur des vieux incunables moisis dont les titres restent assez obscurs, même pour moi : « Fabriquez vous même vos Horcruxes en 10 leçons », « L’immortalité par les Horcruxes » et autres ouvrages de cet acabit. Je me demande si ce n’est pas un mangemort et qu’il cherche à aider Voldemachin-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom à reprendre le pouvoir. »

Elle se tut. Elle avait chuchoté ces derniers mots d’un air effrayé, en vérifiant que personne ne puisse surprendre notre conversation. Ses confidences m’avaient intriguée et je me sentais toute ragaillardie à l’idée qu’un nouveau mystère à résoudre se profilait à l’horizon… Je décidais donc de surveiller Nikopol pour découvrir son secret. C’est vrai que ce garçon avait l’air étrange ! Je remarquai qu’il lui arrivait régulièrement de manquer les repas et qu’il ne se présentait jamais aux cours de madame Bibine. Avait-il une dispense pour un défaut physique ? Pourtant il n’avait pas l’air de boiter. Et je peux vous assurer, pour avoir discrètement osé un oeil sous sa robe de sorcier, qu'il avait bien deux jambes et que c'étaient les siennes !

Après quelques recherches dans les armoires de mon maître adoré, je découvris, par un hasard que je qualifierais d’à peine provoqué, une fiole de potion d’invisibilité. Tout à fait ce qu’il me fallait ! Je  décidais d’attendre ma victime dans mon antre préféré, la bibliothèque, où Denise conservait toujours quelques tablettes de chocolat à mon intention, et de le suivre quoiqu’il m’en coûte…

Je n’eut pas longtemps à patienter, comme s’il avait deviné mon projet. A peine étais-je arrivée que Nikopol fit son apparition. J’avalais rapidement le contenu du flacon et j’étais prête à le suivre au bout du monde… Pour commencer il fit celui qui était là pour travailler. Il sortit des parchemins, une plume, de l’encre et un manuel de sa besace. Pendant de longues minutes il recopia un texte, ponctué de caractères inconnus, en jetant de temps à autre un oeil à l’endroit où je me trouvais postée en observation. Bien sûr il ne pouvait pas me voir, mais je me sentais mal à l’aise, comme si son regard se posait néanmoins sur moi avec insistance.

Je changeais de perchoir, mais par un curieux hasard ses yeux se détournèrent du point qu’il contemplait quelques minutes auparavant, pour se diriger droit vers moi. Peut-être avait-il un don de double vue ? Peut-être sentait-il les êtres invisibles qui peuplent notre quotidien ? En tout cas il faudrait que je me tienne suffisamment à l’écart… Enfin il termina sa copie, rangea soigneusement ses affaires dans son sac et se dirigea vers la Réserve. Il profita d’un moment où la bibliothèque était déserte pour se glisser entre les rayonnages, mais je ne le quittais pas d’un pouce. Il m’entraîna dans la travée la plus sombre, celle consacrée aux forces du mal souterraines. Les ouvrages, recouverts de poussière et craquelés par endroit, n’avaient pas l’air d’avoir été ouvert depuis une bonne centaine d’années…

Il avançait au milieu des rangées de livres et soudain quelque chose me paru bizarre. Je ne m’étais jamais rendu compte que la bibliothèque était si vaste. Cela faisait près d’un quart d’heure que nous avancions dans la Réserve et je n’en distinguais pas le fond. Un obscur pressentiment me fit me retourner. Je ne voyais plus derrière moi qu’un long couloir sombre, sans issue apparente. Nikopol avançait tranquillement, à la lueur de sa baguette qu’il tenait devant lui. Quel étrange mystère ! Il me sembla que nous nous trouvions dans une sorte de cave. Les murs suintaient l’humidité, une odeur de pourrissement me prenait aux narines.

Sans m’en rendre compte nous avions dû traverser une partie du château et nous étions arrivés dans un souterrain qui nous mènerait je ne savais trop où… Je regrettai de n’avoir prévenu personne de mon expédition, mais je ne pensais pas qu’elle nous entraînerait aussi loin. Après presque une heure de déambulation dans des boyaux de plus en plus inaccueillants, j’eus l’impression de voir enfin le bout du tunnel. Une lumière palotte me fit reprendre espoir : nous n’étions donc pas descendu au fin fond du centre de la terre ! Nous allions enfin retrouver l’air libre. Encore quelques pas et nous fûmes arrêtés par une grille rouillée. Mais Nikopol devait avoir l’habitude, car il fit sauter les cadenas d’un coup de baguette. La porte s’ouvrit dans un grincement désagréable et nous nous retrouvâmes enfin à l’extérieur.

Je ne distinguai pas immédiatement l’endroit où nous avait mené nos déambulations. Un épais brouillard recouvrait les alentours et il me fallait faire bien attention pour ne pas perdre de vue mon guide. Pourvu qu’il ne devienne pas invisible lui aussi ! Peu à peu mes yeux s’accoutumèrent à cette étrange atmosphère et je distinguai un paysage désolé, froid, plutôt lugubre. Nous étions dans un cimetière ancien, et apparemment abandonné, aux tombes patinées par le temps. Certaines stèles étaient fendues par endroit ; la mousse et le lierre recouvraient la plupart des sépultures.

Nikopol s’était approché de l’une d’entre elles, qui semblait mieux entretenue. Il y avait déposé son sac et en sortait tout un matériel étrange : des petites fioles remplies de liquides de toutes couleurs, des morceaux de bois, d’os, des pierres où étaient gravés des runes, un long coutelas également. Il arracha quelques herbes folles et se mit à disposer tous ces objets selon un ordre précis. Je suppose qu’il dessinait une figure magique. Lorsqu’il eut finit sa petite installation il tourna trois fois autour de la pierre. Il me faisait penser à une illustration que j’avais vu dans un de mes livres d’enfant : un grand chef indien le front paré de plumes et qui dansait sur un pied devant un poteau où deux visages pâles étaient ficelés. Mais lui me faisait davantage peur. Je me pris à frissonner, quand le ciel s’obscurcit soudain. Ce n’était pourtant pas déjà la nuit …

De gros nuages noirs s’amoncelaient au dessus de nos têtes. Par les chaussettes de mon grand-oncle  ! Il nous faisait la danse de la pluie ? Tout à coup un éclair zébra le ciel, le tonnerre se mit à gronder. En quelques minutes un terrible orage s’abattit sur nous, mais cela ne sembla pas troubler Nikopol qui continuait son étrange rituel. Et soudain, (je vous jure que je n’avais pas touché à la réserve de Miss Minerva !), la sépulture se mit à scintiller, des flammes de toutes couleurs s’élevèrent et dans un effroyable grincement le dessus du tombeau s’ouvrit. Nikopol semblait comme possédé. Il se pencha sur la cavité ainsi découverte et se mit à psalmodier des mots dans une langue étrange.

Mon petit coeur battait très fort. De la magie noire ! Comme dans le poulailler d’où venait Tina !! Cela devenait vraiment dangereux !! Je devais faire quelque chose pour assurer la sécurité de Poudlard et arrêter le monstre en puissance qu’était cet élève de Serpentard !!! Minute ! Et si ce n’était pas un élève ? Il se pourrait que ce soit un sorcier malfaisant venu s’attaquer à la plus célèbre école de sorcellerie au monde. Ou à l’un de ses membres. Un professeur, par exemple ! Pourvu qu’il n’en ait pas après mon Severus adoré …

Mais soudain tout alla très vite. Nikopol se tourna vers moi, comme si je n’était pas invisible à ses yeux et il se mit à grandir. (Non, plus jamais je ne prendrais de Bièraubeurre au petit déjeuner, je me le jurais solennellement ! ) Il sembla toucher le ciel et se mit à éclater d’un rire sardonique. Puis son visage se transforma. Il prit tour à tour les traits d’Alfred, le vieux jardinier, du merle Boris, de Mâchecool mon compagnon de jeux ; pendant quelques instants Winky se tint devant moi, la gorge sanglante, Peio Abril prit sa place, suivi de Basile ; ma copine Denise le remplaça un moment avec un clin d’oeil appuyé. Puis la vision s’évanouit.

Des flammes vertes léchèrent la pierre tombale, plusieurs serpents sortirent des buissons pour se regrouper devant la nouvelle image qui apparaissait. Je distinguais avec un frisson d’horreur, deux yeux rouges, comme des fentes écarlates sur un visage verdâtre. Il eut un rictus et une langue fourchue sortit de sa bouche édentée. Par les moustaches de ma grand-mère !! C’était Voldebarbatruc !!! Nikopol était Celui-dont-on-ne-doit-pas-parler !!! Mais tous les avatars que j’avais vu précédemment ? Il possédait aussi leur corps ? … Mon sang ne fit qu’un tour : je devais agir, et vite. Malgré toute mon appréhension il fallait le mettre rapidement hors d’état de nuire. Le sort du monde entier reposait sur mes frêles épaules et ma rapidité à maîtriser le monstre .

Que pouvais-je réellement faire à ce niveau ? M’élancer sur lui, alors qu’il pouvait à tout moment se transformer et me désintégrer ? Pas très malin… Et puis personne ne serait averti du danger et il continuerait en toute impunité. Je pensais aussi à l’assommer, puis l’enfermer dans une crypte proche en attendant de ramener de l’aide , mais là encore je ne faisais pas le poids ! Il m’aurait fallu des super pouvoirs. La seule solution était de chercher du renfort.

J’estimai que tant que Nikopol-Voldebidule resterait sur sa pierre, il ne serait pas trop dangereux de le laisser seul et je me mis en quête du chemin du retour. Nous étions venus par le souterrain, mais ce serait plus rapide par la voie des airs. Je pris mon envol et me repérais bientôt. En quelques minutes je fus arrivée (« Le chemin des profondeurs est semé d’embûches qui retardent la progression du marcheur » a dit un sage de l’antiquité et il avait raison…) et convoquait aussitôt mes troupes de l’ASQBCD. La potion d’invisibilité avait peu à peu cessé de faire son effet et j’avais retrouvé mon apparence. J’évitais volontairement d’inviter à notre assemblée Denise, Mâchecool et Basile, en qui je n’avais plus confiance depuis que je les croyais possédés par le monstre, mais Hedwige, toujours à l’affût, voulut se joindre à nous.

Ma foi, pourquoi pas ? On pourrait l’utiliser comme éclaireur… Après une rapide discussion, nous convînmes d’avertir un professeur qui pourrait nous donner un coup de main en cas de grave problème. Nous étions tous tombé d’accord pour choisir mon Maître adoré, Severus-le-séduisant. Tous, sauf Hedwige la traîtresse, qui vota pour Dumbledore ! A mon avis, elle en entendrait parler longtemps de ce choix malvenu…

Mon Maître fut d’abord très surpris de voir cette troupe d’oiseaux noirs, (notre amie la chouette était partie de son côté) débarquer dans son cachot. Lorsque je lui eut expliqué de quoi il s’agissait (nous étions devenus si proches qu’il n’y avait plus besoin de mots entre nous…) il eut l’air ennuyé. Je le vis légèrement agacé lorsque j’évoquais Voldetrucmuche et il me reprit en disant « le Seigneur des Ténèbres ». Puis après un instant d’intense réflexion, il nous envoya surveiller discrètement les alentours du cimetière, où un groupe de corbeaux passerait facilement inaperçu. Lui même nous y rejoindrait un peu plus tard. Effectivement nous n’attendîmes pas longtemps.

Nous nous étions postés sur un arbre mort d’où nous pouvions épier secrètement les agissements du suspect. Celui-ci était toujours sur sa dalle. Plusieurs serpents, lézards et crapauds s’étaient regroupés tout autour comme fascinés et il leur faisait des tours de prestidigitation.  Je n’ai d’ailleurs toujours pas compris comment il fit disparaître Gérard le Lézard dans le fond d’une urne mortuaire. Bref notre cher professeur Rogue arrivait, accompagné du directeur. Les suivaient Denise et McGonagall en grande discussion.

-« Je ne comprends toujours pas ce qui est arrivé à cette pauvre Hedwige. » disait ma copine la bibliothécaire aux cheveux rouges.

-« Mais je vous assure, je l’ai vu comme je vous vois », répliqua Minerva, qui n’avait pas l’air de marcher bien droit. « Lorsqu’elle est sortie du bureau de monsieur le Directeur et alors qu’elle regagnait la volière l’air un peu égaré, nous avons soudain entendu un sifflement venu du ciel. Hedwige s’est arrêtée un instant pour voir de quoi il s’agissait, puis elle a paru très effrayée et c’est là qu’elle a reçu cet énorme menhir sur la tête. Peut-être un châtiment céleste ? Quelle faute a-t-elle bien pu commettre ? »

-« Un menhir ? Mais nous sommes loin de Stonehenge pourtant. Vous n’avez pas d’autres détails ? »

-« Et bien, lorsque le professeur Flitwick, que nous avions appelé pour faire léviter la pierre, a voulu l’examiner de plus près, il a distingué une sorte de signature grossière sur sa base. Il a cru lire « Obélix ». J’avoue que je ne sais pas de qui il peut s’agir… »

Denise eut un léger sourire et dit :

-« Ne cherchez plus ! Je pense qu’il doit s’agir de la malédiction du chapitre treize. Nous aurions dû nous y attendre ! Vous pensez qu’elle restera longtemps à Sainte-Mangouste ? »

Mais leur conversation fut interrompue par le directeur et Severus qui étaient arrivés devant la tombe. Dumbledore s’approcha calmement et prononça doucement ces mots :

-« Bonjour, mon cher Khnoum. Tout se passe comme vous le souhaitiez ? »

Je sursautais. Je l’avais complètement oublié celui-là !  Il me semblait que j’étais à Poudlard depuis toujours, mais l’évocation du magicien avait ravivé mes souvenirs. C’est alors que, au grand dam de l’assistance qui se croyait au cabaret, Khnoum apparut faisant cesser d’un coup le spectacle. Il en oublia d’ailleurs de faire revenir Gérard, ce que déplorèrent grandement certaines personnes.

Puis avec un geste magistral il se tourna vers moi et dit :

-« Et oui, je suis Khnoum, grand mage en mission secrète, afin d’observer et de juger le comportement de Crouac, ou plutôt devrais-je dire de Sofie … »

Tous les regards se tournèrent vers moi. Je me sentis rougir. Le seul qui, peut-être, ne fut pas aussi étonné qu’on aurait pu s’y attendre, fut mon cher Severus. Il souriait doucement comme s’il s’était toujours douté de quelque chose. A moins que Dumbledore ne lui ait révélé mon secret ? Car le directeur se tenait maintenant aux côtés de Khnoum et ils avaient l’air de s’entendre comme deux larrons en foire. Khnoum prit la parole :

-« A vous l’honneur, mon cher Dumbledore. Vous avez accepté d’héberger Crouac et de me laisser tenter ma petite expérience. Je ne sais pas si c’est votre contact, ou l’atmosphère studieuse de cette école, mais notre Sofie a acquit la sagesse que son prénom lui promettait. Je vous laisse raconter les faits à notre auditoire. »

Comme je suis bien trop modeste pour retranscrire en totalité le discours élogieux que le directeur fit sur moi, je vais le résumer en quelques mots. Il expliqua tout d’abord que Khnoum et lui étaient de vieux amis ; qu’ils s’étaient rencontrés (et appréciés) lors d’un congrès des MMS (Mages Méritants Supérieurs) et qu’il avait tout naturellement accepté de rendre service à son confrère qui  avait besoin de mettre à l’épreuve une jeune étourdie sans cervelle (là, je pense que ses mots ont dépassé sa pensée). J’appris alors que Khnoum ne m’avait pas quitté d’une semelle après ma transformation et qu’il s’était  tour à tour mis dans la peau des différents protagonistes de cette étonnante histoire : oui, mon soupirant le merle Boris c’était lui ! Et Alfred, le jardinier, puis plus tard Mâchecool et Basile.

 Il avait aussi habité le corps de Winky, le temps de feindre son assassinat. Et oui ! Réjouissez-vous, mesdames et messieurs, et vous lecteurs sensibles, la véritable Winky n’était pas morte ! Elle achevait actuellement une cure de désintoxication en Bretagne, du côté de Brest. Ceci dit, et là Dumbledore ouvrit une parenthèse, il se demandait si le traitement était efficace… Dans sa dernière lettre pour le professeur McGonagall, elle faisait mention d’une nouvelle amie qu’elle s’était faite sur place et qu’elle nommait « Chouchen » et cela ne lui disait rien de bon…

Khnoum avait également emprunté l’apparence de Peio le détective, de ma copine Denise la bibliothécaire diplômée, qui malgré son grand âge savait se servir des moyens modernes mis à sa disposition, de Nikopol l’étudiant au regard éteint, mais au comportement si suspect qu’il constituait ma dernière épreuve. Que j’avais réussi avec succès ! Et mon Maître ? Et bien, non. Lui n’était ni un avatar de Khnoum, ni dans la confidence de Dumbledore. Mais les extraordinaires dons de son intelligence hors du commun lui avaient rapidement fait comprendre que j’étais bien autre chose qu’un simple corvidé. D’où son immense affection pour moi. Que je lui rendais bien d’ailleurs.

Khnoum avait décidé, au vu de ma totale réussite à toutes ces épreuves, de me rendre mon apparence de jeune fée gracile et élégante. Il pointa sa baguette vers moi en psalmodiant ces quelques vers :

« Abracadabra, corbi, corba
 Petite fée redeviendras
Abracadabro, corbi, corbo
Laisse à jamais ce noir corbeau. »

Je sentis mes ailes se délier, mes plumes tombèrent, mon bec se rétracta et je retrouvais soudain ma belle voix. Je dus me cacher en catastrophe derrière une stèle pour épargner ma pudeur, jusqu’à ce que mon ancien Maître me  prête sa cape où je m’enveloppais immédiatement avec un soupir de soulagement. Elle était encore imprégnée de son parfum et j’espérais bien pouvoir la conserver en souvenir.

J’étais heureuse de retrouver mon ancienne apparence, bien que je regretterais certainement d’être obligée d’utiliser un balai pour pouvoir voler désormais. Mais le regard que Severus posa sur moi après ma métamorphose valait tous les sacrifices au monde. Ses yeux brillaient d’un étrange éclat que je ne lui avait jamais vu. Je restais encore quelques jours, le temps de faire mes adieux à mes amis de Poudlard et Khnoum me raccompagna dans ma famille. Tout était bien, qui finissait bien.

Finir ? Non, impossible que l’histoire s’arrête de cette manière là !! Et si nous envisagions une fin alternative ?

 

 * Voir : « Mon meilleur ennemi », fic à rallonge d’Hedwige
** Voir : « La complainte du concierge que personne n’aimait », de la même prolifique Hedwige.

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